vendredi 7 juin 2013

[Rétrospective #8] Virgin Suicides | Sofia Coppola

Virgin Suicides (1999) | Sofia Coppola

En adaptant le roman de Jeffrey Eugenides paru en 1995, la réalisatrice new-yorkaise, alors âgée de 28 ans, signe son premier long-métrage. Scénariste d’exception, elle parvient à convaincre la maison d'édition de céder les droits du bouquin à la société de production, nous délivrant ainsi un coup de maître sur la beauté et les ravages de l’adolescence.
Synopsis Allociné : Dans une ville américaine tranquille et puritaine des années soixante-dix, Cecilia Lisbon, treize ans, tente de se suicider. Elle a quatre soeurs, de jolies adolescentes. Cet incident éclaire d'un jour nouveau le mode de vie de toute la famille. L'histoire, relatée par l'intermédiare de la vision des garçons du voisinage, obsédés par ces soeurs mystérieuses, dépeint avec cynisme la vie adolescente. Petit a petit, la famille se referme et les filles reçoivent rapidement l'interdiction de sortir. Alors que la situation s'enlise, les garçons envisagent de secourir les filles.

Sofia Coppola possède une arme : son style cinématographique si singulier. Dans ce drame sombre et intimiste, la talentueuse réalisatrice expose avec mélancolie la vie de cinq sœurs emprisonnées par leurs parents dans un cocon bien-pensant et puritain. Planent alors sur leurs vies, une envie, un interstice aux portes de leur prison dorée : le suicide. Vision désenchantée de ce passage à l'âge adulte qu’est l’adolescence, la fille de Francis Ford Coppola rythme son film grâce au scénario puissant et envoûtant. Tout se joue dans la tension et le désir, presque organique, de vouloir à tout prix connaître et comprendre les motifs de cette tragédie, pourtant offerts dès la scène d'ouverture. Le final n’en est ainsi que plus bluffant et désarmant.
Virgin Suicides peut se caractériser sur deux plans. Son ingéniosité réside en effet dans le traitement à la fois léger et féerique d'une histoire pourtant des plus cafardeuses tendance dépressogène. Ce premier film de Coppola fille pourrait être qualifié d'un art à la volupté. Y est exposé un univers peu exotique où le puritanisme est lascif et la beauté insaisissable atteinte par un ras-le-bol de bonnes mœurs. Le tout est proposé pour que ce monde vive : des petites culottes portant des cœurs tracés au marqueur aux poignets tailladés d’une des sœurs Lisbonne, scarifications masquées par des bracelets en plastique colorés.
La noirceur du sujet est brillamment affichée en contraste avec une photographie éclatante aux couleurs pastels. Virgin Suicides rayonne grâce à cela et par son atmosphère enchanteresse, tout en considérant la spirale autodestructrice adolescente.

Coppola nous offre de somptueuses images conjuguées à une mise en scène gracieuse et aérienne. Les procédés techniques sont ingénieux et restent toujours dans l’oxymore sujet/traitement. La narration sous forme de voix-off laisse par exemple le spectateur libre de toute réflexion, et l’intégration de témoignages post-récit terriblement plaisants fonctionnent à merveille. Le choix d’un point de vue omniscient est tout aussi judicieux et nous incite à appréhender les filles comme le font les jeunes garçons, rêvassant devant ses beautés pures et poussant à la curiosité. D’ailleurs, Coppola ne retranscrit que trop bien cette idolâtrie rare et béate des jeunes mâles face à de belles femelles.
Distribution complète et crédible avec l’exposition massive de Kristen Dunst – au sommet de sa forme et de son charme - mais qui n’efface pas pour autant le brio de ses cadettes, jamais dans l’excès. Les personnages sont aussi mystérieux et fascinants qu’attachants et inquiétants.
 
De son côté, l'extatique bande-originale du groupe Air se charge d'embellir l'ensemble.
Mystérieux, Virgin Suicides explore avec virtuosité le mal-être des ados et vous laissera un arrière-goût doux amer, juste et délicat.

Article rédigé par Cléa Carré

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