jeudi 28 novembre 2013

La Vénus à la fourrure

« La Vénus à la fourrure », dernier long-métrage de Roman Polanski, a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2013. Salué unanimement par la critique, le film, directement inspiré d’une pièce de théâtre américaine (Venus in Fur) écrite par David Ives, est pourtant reparti bredouille de la croisette. Atterrissage en salles prévu le mercredi 13 novembre pour se forger sa propre opinion.
Synopsis Allociné : Seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procurée des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Alors que « l’audition » se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession …
Pour son 21ème long métrage en qualité de réalisateur, Roman Polanski a jeté son dévolu sur la pièce de théâtre inspirée du roman érotique de Sacher-Masoch, l’auteur ayant prêté son patronyme au « masochisme », rien que ça ! Et pour mettre en scène ce huis-clos théâtral sadomaso, Polanski a fait appel face caméra à l’excellent Mathieu Amalric, ainsi qu’à son épouse, la comédienne Emmanuelle Seigner, déjà habituée à l’exercice (« Frantic », « Lune de fiel », « La Neuvième porte »). 

Filmé dans le décor feutré du théâtre Recamier (fermé depuis 1978), « La Vénus à la fourrure » démarre timidement par une rencontre hasardeuse entre un metteur en scène bobo misogyne et une comédienne de quartier, déjantée, écervelée et vulgaire de prime abord. Les choses évoluent rapidement vers des échanges verbaux complexes entre ces deux là, le mystère et l’insolence laissant progressivement place à la nature réelle du démiurge Amalric. Cette relation pervertie, et là est la force de l’œuvre, déteint sur le spectateur qui devient à la fois témoin privilégié de l’expérience vécue par Mathieu Amalric, tout en étant partie prenante de son voyeurisme. L’ironie de la mise en scène nidifie, quant à elle, lorsque le spectateur se trouve embarqué dans les obsessions et les tourments d’Amalric. Utilisation savoureuse des espaces (amortissement du moindre mètre carré de la scène), face-à-face filmé avec des champs / contre-champs maîtrisés, artifices de coulisse inventifs et savoureusement dosés, Polanski s’en donne à cœur joie et, fort de ce brillant stratagème, se permet de déjouer les codes du théâtre pour mieux les transposer dans une œuvre entièrement cinématographique à la fois drôle (un humour noir bienvenu), déroutante et ambiguë (les rapports de sexe, de force, de domination) et jouer avec son public, s’offrant même le luxe d’une fin fantaisiste audacieuse, mais un peu grotesque n’ayons pas peur de le dire.
Là où Polanski fait fort, c’est lorsqu’il entretien le doute sur les éléments autobiographiques (Amalric étant clairement une projection du metteur en scène), et que le spectateur lui-même perd parfois son latin entre la « vérité » du film et celle du parcours perso du réalisateur franco-polonais. Mise en abyme jubilatoire (fusion fiction / réalité) pour qui connaît son histoire !
On remarquera côté casting que le tandem Amalric / Seigner s’en tire à merveille, avec une mention pour la prestation nuancée de Mme Polanski à la ville, qui devrait tout logiquement être auréolée d’une nomination aux César. Entendement parfait pour le rôle !
Bilan : Après le huis-clos grinçant « Carnage » et le thriller crypto-politique « The Ghost writer », tous deux surestimés, Roman Polanski revient pour notre plus grand plaisir aux intrigues fantastiques tarabiscotées (un jeu de manipulation étonnant, une ode à la Femme) dans un huis-clos théâtral audacieux, pertinent et mené avec panache par le duo Amalric / Seigner.  
Anecdote : A l’origine, La Vénus à la fourrure est un roman écrit en 1870 par l’auteur autrichien Leopold von Sacher-Masoch. Il est le premier ouvrage de la série Love et l’un des fondements de ce qui sera appelé plus tard le masochisme.

La Bande Annonce de La Vénus à la fourrure:

 
NOTE: 7,5/10

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