dimanche 22 décembre 2013

A Touch of Sin

Festival de Cannes 2013. Le jury présidé par Steven Spielberg récompense, un peu à la surprise générale, « A Touch of Sin » de Jia Zhang Ke du prix du Meilleur Scénario. Quel est ce film ? Sortie en salles le 11 décembre, « A Touch of Sin », produit par Office Kitano, est hélas passé inaperçu dans l'hexagone.
Synopsis Allociné : Dahai, mineur exaspéré par la corruption des dirigeants de son village, décide de passer à l'action. San'er, un travailleur migrant, découvre les infinies possibilités offertes par son arme à feu. Xiaoyu, hôtesse d'accueil dans un sauna, est poussée à bout par le harcèlement d'un riche client. Xiaohui passe d'un travail à un autre dans des conditions de plus en plus dégradantes. Quatre personnages, quatre provinces, un seul et même reflet de la Chine contemporaine : celui d'une société au développement économique brutal peu à peu gangrenée par la violence.
Avec le bouleversant « A Touch of Sin », Jia Zhang Ke, crédité ici scénariste et réalisateur, autopsie son pays natal et signe un tableau politique radical – la compagne et la ville sont génératrices de monstres cupides et avares – et touchant, un authentique kaléidoscope de personnages abattus par la misère socio-professionnelle. 4 parcours – un mineur, un travailleur migrant, une prostituée, un éclaireur – 4 destins sanglants, 1 structure de film choral et surtout 1 mosaïque commune : la violence. Une issue malheureusement inévitable pour un pays en pleine révolution incontrôlable : expansion économique démesurée, course à la modernité, croissance des effectifs, terre déchue de sa fonction d'accueil. Abandon d'une solution pacifiste, incarnation d'une colère parfois insoutenable et surréaliste.
Et si Jia Zhang Ke met l'accent sur ce fait avec justesse, il n'oublie jamais de recouper les différentes petites histoires (des personnages qui se croisent, tout simplement) pour unifier un propos et rendre compte d'une Chine fracturée dans son ensemble.
Gore et pourtant très drôle à la fois, « A Touch of Sin », cousin lointain de l'excellent « Chute Libre » (rappelez-vous le brain-out de D-Fense alias Michael Douglas), voire du non moins remarquable « A History of Violence » (adapté à l'échelle d'une nation), étonne de tous les côtés : dans sa mise en scène (des cadres somptueux, une structure narrative limpide grâce à des montages parallèles maîtrisés, des couleurs adéquats au ton du film, une photographie splendide, des plans d'une durée parfaitement ajustée, des mouvements panoramiques onctueux ponctuant les différents plans-séquences, un joli mash-up des codes de différents genres : film de sabres, polar, western, fresque…) jusqu'à la composition et aux tiroirs ouverts du scénario : habile utilisation de la violence pour mieux la dénoncer, irruption d'animaux ici et là, traduction langagière des instincts les plus primitifs de l'Homme dans cette jungle sociétale chinoise, esprit cabochard et côté pulp Tarantinesque savoureux, gage d'une beauté plastique vertigineuse.
Côté casting, si Tao Zhao est émouvante dans la peau d'une hôtesse d'accueil poussée à bout et humiliée, ce sont surtout les acteurs Wu Jiang et Wang Baoqiang qui épatent dans leurs rôles respectifs de mineur et de travailleur migrant.
Bilan : Avec « A Touch of Sin », Jia Zhang Ke s'adresse au monde en examinant les gangrènes d'une société (en l'occurrence, la sienne) à travers le prisme de l'abandon à la violence, sous la forme d'un docu-fiction saisissant, lui-même établi comme un pamphlet rageur mais jamais moralisateur. Puissant, admirable, subversif, magistral. Un cas d'école !

Anecdote sordide mais vraie : Aussi fou que ça puisse paraître, il y a un moment dans le film où une femme se prend au moins une cinquantaine de coups de liasse de billets (de banque). Dans cette scène, l'homme qui inflige les coups est en fait le réalisateur Jia Zhang Ke en personne et la fille, son épouse à la ville, la comédienne Tao Zhao.

La Bande Annonce de A Touch of Sin :


NOTE : 9/10

2 commentaires:

  1. A touch of sin est bien loin d'être un docu-fiction puisqu'il prétend embrasser tous les genres d'un pays parallèlement à différents pans d'une société, et ce en poussant la stylisation de chaque entité visuelle et narrative au paroxysme -ce qui, en soi, est un grand renouveau chez Jia.

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    1. Oui c'est pas faux ! Je ne connais pas bien la filmo de ce réalisateur, mais je vais m'y pencher.

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