dimanche 8 décembre 2013

All Is Lost

Le genre filmique du survival, en solitaire comme à plusieurs, avec ou sans zombies, se porte bien. Sans avoir encore délaissé les thématiques post-apocalyptiques, Hollywood se laisse peu à peu séduire par des démarches d’auteurs, succès au rendez-vous. Ses plus récentes et marquantes incarnations ? La fantastique parabole qu’est « L’Odyssée de Pi » l’année passée, avec un Oscar pour Ang Lee à la clé. Ou le spectacle total qu’est « Gravity », immense triomphe critique et public de ces derniers mois. On peut donc à première vue se réjouir de voir le géant Universal financer une nouvelle fable de survie en ermite, soit « All Is Lost » en salles le 11 décembre prochain.
Et l’ambition du projet de J.C. Chandor (« Margin Call ») est grande : transformer Robert Redford, âgé de 77 ans, en héros et unique personnage d’un film quasi-muet, dans lequel un naufragé jamais nommé doit, en plein Océan Indien, faire face aux éléments sans autre allié que sa simple volonté de vivre. Un postulat de départ qui intrigue à bien des niveaux ; comment, alors, faire exister et rendre distinguable dans cette optique un personnage sans backstory ni narration à rebours, dans un monde de silence où le danger n’est pas incarné ?
Le pari de mise en scène, car il s’agit du plus conséquent de tous, est très visiblement réussi, et ce dès les premiers instants du film. Portée par l’intouchable Robert Redford, l’ambiance se met en place facilement, le travail de décors et d’accessoires étant, contrairement aux succinctes apparences, d’une qualité remarquable. On s’attache au personnage principal sans même connaître sa biographie. Pour lui donner vie et humanité, les détails intérieurs du bateau jouent un incroyable rôle de témoin, tout comme les gestes appliqués de l’homme d’expérience. C’est sa vulnérabilité stimulée en crescendo qui séduit le plus quand les ennuis surgissent et réveillent les instincts les plus fondamentaux.
A vif, la prestation de Robert Redford a tout de mémorable. Tourné en bassin artificiel, « All Is Lost » est d’un réalisme haletant (déplorons une poignée de fonds verts hideux çà et là), qui doit beaucoup à son unique acteur. La BO envoûtante d’Alex Ebert renforce sans nul doute la puissance et la précision de son jeu. Il émeut sans jamais perdre de sa superbe durant les 1h40 de bobine.
 
Mais peut-on en dire autant des événements relatés ? Rien n’est moins sûr, « All Is Lost » peinant parfois à passionner en relançant une dramarturgie évidemment fragile. Son introduction brève et intrigante se révèle par exemple anecdotique et dispensable, brouillant les pistes à un moment inopportun. Ailleurs, l’écriture est foudroyée par des « clichés maritimes » redondants qui affaiblissent l’immersion dans l’expérience pourtant déjà bien en place. Et que dire du final, contre toute attente dépourvu de clés narratives aptes à délivrer un message dépassant les simples actes filmés ?
C’est ce qui ébranle tout au long du film ; même en gardant à l’esprit le caractère désiré de la trivialité de ses sujets, « All Is Lost » confronte le spectateur à des attentes toujours plus définies par les standards du genre. Très secondaires, les réflexions métaphysiques sont ici hermétiques et enfouies derrière un récit qui va droit au but, avec pour conséquence directe de laisser dubitatif quant à la concrète portée du film, à ses motifs créatifs. Simple tranche de vie ou double lecture habile mais inaccessible ? La matière riche de tels sens est en effet bien présente, et le parallèle biblique avec Job vient vite à l’esprit, mais Chambor semble négliger les vertus d’un tel écho, pariant sur une conclusion attendue et à la symbolique hasardeuse (pourquoi est-ce que tout arrive maintenant ?).
 
Ajoutons pour terminer qu’à l’heure actuelle, le film subit une part de marketing étonnant. Visuellement, il est rapporté comme un film d’action avec son affiche en pleine tempête, et rien n’indique au spectateur néophyte le mutisme de son atmosphère. Son accroche facile « Ne jamais renoncer » évoque aussi une certaine violence qui, dans la pratique, se révèle sourde et en demi-teinte.
 
Bilan : « All Is Lost » est un objet filmique séduisant et atypique, tour de force comme exercice de style pour un directeur d’acteur plus qu’un raconteur d’histoire. Robert Redford y impressionne énormément, seul face à lui-même dans l’immensité d’un océan en contraste avec la modestie du récit. Une portée cryptique (ou réduite?) qu’on aurait mieux assimilée sans l’embarras d’un rythme en dents de scie et de clichés perturbateurs.
Anecdote (source : Allocine.fr) : « All Is Lost » a été tourné en 2012 dans les studios Baja, au Mexique. Ces studios ont été construits en 1997, pour le tournage de « Titanic », de James Cameron. Des studios dont Robert Redford ne garde pas un souvenir impérissable. En effet, l'acteur s'y est abîmé l'oreille.

La Bande Annonce de All Is Lost :


 
NOTE : 7/10

Article rédigé par Douglas Antonio.

3 commentaires:

  1. Anti-thèse de "Margin Call" ambitieuse mais le concept a ses limites, 1h40 où il ne se passe rien avec un marin qui semble autiste tellement il ne réagit à rien... 5/10 de justesse

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    1. Autiste n'est pas le bon mot je trouve. Il n'est pas hermétique au monde qu'il entoure, il est juste ... solitaire, mais profondément humain (désespéré / affaibli).

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  2. Haven't started playing Solitaire on your mobile? Download It Now (Works on Android and iOS)

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