mercredi 29 janvier 2014

Mea Culpa

Après avoir fait ses armes au format court-métrage, Fred Cavayé a amorcé son passage au long dès 2008 en dirigeant le tandem Vincent Lindon / Diane Kruger dans l'excellent thriller « Pour Elle ». On le retrouve deux ans plus tard aux commandes du remarqué « A bout portant », où la réalisation nerveuse place un Gilles Lellouche torturé au centre d’un chassé-croisé criminel dans la capitale. Son nouveau film, « Mea Culpa », en salles le 5 février prochain, affiche une distribution-somme de cette filmographie naissante : Vincent Lindon & Gilles Lellouche au sommet dans une nouvelle intrigue policière à vif… Verdict ?
Synopsis : Policiers à Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d’une mission. Alcoolisé, Simon prend le volant de la voiture qui les ramènera chez eux… En route, ils percutent un autre véhicule. Les deux flics sont blessés mais le bilan est dramatique : deux victimes dont un enfant. Simon va tout perdre, famille comme job. Six ans plus tard, Simon est devenu un convoyeur de fonds divorcé qui peine à tenir son rôle de père auprès de son fils de 9 ans, Théo. Franck, toujours flic, veille à distance sur lui. Lors d'une corrida, Théo va être malgré lui le témoin d'un règlement de compte mafieux. Une fois de plus, les destins des deux flics de Toulon vont basculer.
Logiquement, c’est à la mise en scène qu’il faut rendre un hommage enthousiaste ; les influences de Fred Cavayé sont en effet réappropriées avec brio. L’action est riche, jamais illisible et toujours captivante. Le réalisme terre-à-terre et le premier degré qui noircissent le ton du film auraient pu lui coûter sa crédibilité. Ils se marient pourtant avec aisance à des situations audacieuses, des grandes poursuites américanisées aux duels esthétisés en silhouettes ou en spectres. Impossible de bouder son plaisir face à un français qui cite visuellement Nicolas Winding Refn au détour d’un néon rouge feu.
Le bon fonctionnement de ce thriller tient aussi à ses deux interprètes principaux : prestations inspirées de Vincent Lindon & Gilles Lellouche. Saluons également l’habileté avec laquelle le scénario les confronte puis les rassemble.
Mais c’est un casting très inégal qui profite particulièrement au duo de tête ; en arrière-plan, très rares sont les seconds rôles qui tirent leur épingle du jeu, la faute à un script favorisant le raccourci stéréotypé et passe-partout plutôt qu’une écriture concrète au-delà des enjeux centraux. Les ennemis sont de grands méchants patibulaires, caricatures minutieuses des trafiquants étrangers comme on en croise très fréquemment dans les productions EuropaCorp (exemple récent des deux « Taken »). Un manichéisme assourdissant qui masque presque les réussites artistiques ou narratives de « Mea Culpa ».
Le final est à ce titre une bouffée d’air frais in extremis. Il intervient en effet au moment opportun pour épaissir un propos général qui, sur la durée, se révèle malheureusement un poil inconsistant, voire fragile. Et alors même que toutes les cartes d’un thriller très classique avaient pu sembler abattues, ce dernier acte prend les devants d’une conclusion qui en définitive évite d’être prévisible et bancale. On est soulagés de voir l’arc narratif majeur être soutenu par une réflexion intelligente qui développe les liens entre nos deux héros. A défaut de compléter la maigreur des autres backstories, le final compense au moins les faiblesses d’une histoire somme toute très bien rythmée.
Dans d’autres registres, dressons une critique positive de la bande-originale envoûtante de Cliff Martinez. Le compositeur américain d’ordinaire au sommet chez Harmony Korine et surtout Nicolas Winding Refn (encore lui !) ne perd ici rien de sa superbe en déroulant un score impressionnant et souvent en parfaite adéquation avec les images. Enfin, relevons un travail conséquent sur les décors, très appréciables ; leur diversité accentue la fluidité, la richesse et l'ampleur des péripéties.
En deux mots : « Mea Culpa » se révèle être un film d’action nerveux et franchement pas insipide. En son centre, deux comédiens solides que Fred Cavayé sait mettre en valeur par une recherche artistique singulière dans la production française. Malgré un final stimulant, on lui regrette cependant un manque réel d'épaisseur scénaristique qui lui conférerait l’étoffe d’un grand film français.


La Bande Annonce de Mea Culpa :


NOTE 6.5/10

Article rédigé par Douglas Antonio

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire